La brise printani貓re apporte des pluies. Quand nous descendons le mont Huangshan, notre pens茅e fait l鈥檃sension vers le ciel.
Il ne faut pas beaucoup de temps pour aller du mont Huangshan au mont Jiuhua 錛堜節鍗庯級. Avant de parvenir 脿 la Terre pure des Fleurs de Lotus, nous avons visit茅 le village Hongchun 錛堝畯鏉戯級au passage. Sur le chemin menant au village, nous avons feuillet茅 un album de photos en noir et blanc, qui montre de vieilles maisons condamn茅es 脿 disparaître dans un avenir proche. Nous avons 茅t茅 fort 茅mus par ces demeures tranquilles baignant dans le cr茅puscule, par leurs escaliers de bois et par les rayons indolents s鈥檌nfiltrant 脿 travers leurs toits.
Nous avons la nostalgie des veiilles maisons, surtout du mode de vie simple et insouciant qu鈥檈lles abritent. Elles sont 茅pargn茅es de la fi貓vre commerciale qui r貓gne aujourd鈥檋ui, et de la technologie informatique qui se d茅veloppe 脿 une vitesse si rapide que nous craignons toujours de ne pas rattraper ses progr貓s.
C鈥檈st justement la simplicit茅 et une mani貓re insouciante qu鈥檃 cr茅茅es le village Hongcun avec ses vieilles maisons en noir et blanc, ignorant le rythme acc茅l茅r茅 de la vie moderne. Maintenant ce village a attir茅 le regard de l鈥檈xt茅rieur. Le monde entier sait qu鈥檌l y a Hongchun sur le chemin conduisant du mont Huangshan au mont Jiuhua.
Nous voil脿 arriv茅s au mont Jiuhua. Levant la t錨te, nous voyons du broulliard et des nuages flotter au-dessus d鈥檜ne riche v茅g茅tation couvrant les hauteurs. Jetant notre regard tout autour, nous apercevons les volutes de fum茅e s鈥櫭﹍ever des cuisines des maisons au pied du mont.
Le mont Jiuhua fut appel茅 un temps le mont Jiuzi 錛堜節瀛愶級. Li Bai錛堟潕鐧斤級, grand po貓te de l鈥櫭﹑oque des Tang, passa par la r茅gion il y a mille ans. Au pied du mont, notre po貓te romantique exprima son 茅motion en d茅crivant les pics, les sources et les ruisseaux. Goûtant une tasse de vin en m錨me temps qu鈥檌l contemplait la neige et les pins, tout herueux et d茅contract茅, il chanta : 鈥淧artageant l鈥檌nfluence merveilleuse des deux principes de l鈥檜nivers, le mont Jiuhua est devenu une montagne de l鈥 acirc;me.鈥 L鈥檃nn茅e suivante, Li Bai remonta le Yangts茅 et fit escale 脿 Qiupu 錛堢嫻︼級. Une fois de plus il regarda dans la direction du mont Jiuhua, et regretta de ne pas l鈥檃voir admir茅 de plus pr貓s. Il laissa ces vers c茅l貓bres : 鈥淣aviguant jadis sur le Yangts茅 pr貓s de Jiujiang, je regardai de loin les neuf pics du mont Jiuhua. Le fleuve c茅leste d茅versait en cascade ses eaux vertes, et les pics s鈥櫭﹑anouissaient comme des fleurs de lotus.鈥 Le mont Jiuhua est un haut lieu du bouddhisme. Comme les bouddhistes v茅n貓rent la sainte puret茅 des fleurs de lotus, le po貓me de Li Bai est un chant d鈥檃doration du Bouddha.
Coussins de pri貓re, poissons de bois, chapelets, sons de la cloche et du tambour, lumi貓re de la lampe 脿 huile. Nous nous approchons enfin des monast貓res et des couvents bouddhistes du mont Jiuhua.
Dans un pass茅 imm茅morial, le bodhisattva Ksitigarbha fit le voeu de d茅livrer des souffrances tous les 錨tres vivants. Il avait travers茅 d鈥檌nnombrables 茅preuves avant de devenir bodhisattva, mais refusa d鈥檕ccuper sa place dans la Terre pure.
Ksitigarbha avait une grande compassion pour les mis貓res du monde. Il fit un serment : 鈥淧armi les cr茅atures vivantes tous les hommes sont mes p貓res, et toutes les femmes mes m貓res. Je ne m鈥檌dentifierai pas au Bouddha aussi longtemps que je ne d茅livrerai pas de l鈥檈nfer toutes les cr茅atures vivantes.鈥
Beaucoup d鈥檃nn茅es apr貓s, sous l鈥櫭﹑oque Tang, un moine du nom de Jin Qiao 錛堥噾涔旓級, incarnation de Ksitigarbha, arriva en Chine en venant de l鈥橢tat de Xinluo 錛堟柊緗楋級en Cor茅e. Ksitigarbha Jin avait pris un bateau et travers茅 la mer tout seul. Impatient de connaître l鈥檃tmosph貓re du Mahayana sur la terre chinoise, il d茅sira surtout apprendre les moyens de d茅livrer des souffrances toutes les cr茅atures vivantes.
Quand le po貓te Li Bai, emport茅 par son inspiration, escaladait les montagnes et traversait les rivi貓res, Ksitigarbha Jin voyagea dans le Sud du Yangts茅. Alors que Li Bai regarda de loin le mont Jiuhua, Ksitigarbha Jin avait trouv茅 un lieu retir茅 pour pratiquer le bouddhisme au mont Jiuhua.
Dans les ann茅es suivantes, Ksitigarbha Jin se d茅fit de tout souci et passa le temps 脿 m茅diter en position assise. Il buvait de l鈥檈au de source, mangeait des fruits sauvages et couchait sur un roc. Calme et serein, il ignorait la solitude et les tribulations. Un jour, un petit garçon vint dans la montagne. Il resta pour tenir compagnie 脿 Ksitigarbha Jin. Le vieux moine et le petit garçon devinrent bons amis. Plus tard, le garçon eut si fort envie de revoir son pays, qu鈥檌l d茅cida de descendre la montagne. La s茅paration coûta beaucoup au vieil ermite. 鈥樷 Ne pleurez pas au moment de dire adieu, car le vieux moine aura pour compagnon la brume et les nuages.鈥 Ces deux vers sont tir茅s de l鈥檜n des deux po貓mes que Ksitigarbha Jin laissa en tout et pour tout. Quelquefois, la d茅votion supr錨me au bouddhisme est aussi le d茅sir humain le plus ordinaire, et les sentiments d鈥檃miti茅 les plus ordinaires rec貓lent le sens le plus profond de la foi bouddhique.
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Dans un ouvrage sur le mont Jiuhua, on trouve l鈥檋istoire suivante : En 756, par un jour ensoleill茅 de printemps, un lettr茅 du nom de Zhuge Jie 錛堣钁涜妭錛 habitant du district de Qingyang 錛堥潚闃籌級au pied du mont Jiuhua, escalada le mont avec des amis proches.
Des nuages blancs flottaient dans le ciel. Le mont Jiuhua 茅tait couvert de verdure. Chemin faisant, Zhuge Jie et ses amis causaient avec entrain.
Quand ils pass貓rent devant une grotte du pic Dongya 錛堜笢宕栵級, ils virent un vieux moine assis immobile et les yeux ferm茅s. Il 茅tait plong茅 dans la m茅ditation. A ses côt茅s, dans un tr茅pied de fer bris茅 il y avait de la terre blanche m茅lang茅e d鈥檜n peu de riz. Tout le monde fut constern茅. Zhuge Jie dit : 鈥淟e moine mena une vie de mortification sans l鈥檃ide de personne. C鈥檈st notre faute.鈥 Il discuta avec ses amis pour trouver le moyen de bâtir un temple pour le moine. C鈥櫭﹖ait bien sûr Ksitigarbha Jin. Zhuge Jie lui parla de leur voeu et il accepta. Ensuite le lettr茅 et ses amis descendirent le mont, racont貓rent aux habitants cette rencontre et leur projet. Les gens admir貓rent le moine pour sa r茅solution et se cotis貓rent pour construire un temple. On alla donc dans la montagne pour abattre des arbres et pr茅parer le terrain. Bientôt surgit un temple splendide. Emus et inspir茅s par l鈥檈sprit de Ksitigarbha Jin, les fid貓les vinrent en foule au temple pour adorer le Bouddha.
Bien des ann茅es s鈥櫭ヽoul貓rent dans la montagne tranquille. En 794, Ksitigarbha Jin avait v茅cu 99 ans dans le monde humian. En fin d鈥櫭﹖茅 il r茅unit ses disciples pour leur faire adieu. Quand il tr茅passa, les disciples plac貓rent respectueusement sa d茅pouille dans une boîte de pierre. Trois ans apr貓s, ils ouvrirent la boîte pour transf茅rer la d茅pouille mortelle dans un stûpa de pierre. A leur grande surprise, ils trouv貓rent le maître maintenu dans la position assise comme s鈥檌l restait vivant. Quelqu鈥檜n se mit 脿 secouer les articulations de ses os, et ils produisirent un son de cadenas d鈥檕r. On se rappela ces mots d鈥檜n canon bouddhique : 鈥淟es os d鈥檜n bodhisattva sont entrecrois茅s entre eux et sonnent comme des cadenas.鈥 On r茅alisa que Ksitigarbha Jin s鈥檌dentifia au bodhisattva Ksitigarbha non seulement par le nom, mais aussi par les signes, et qu鈥檌l avait 茅t茅 l鈥檌ncarnation de ce dernier. 鈥淧armi les cr茅atures vivantes tous les hommes sont mes p貓res, et toutes les femmes mes m貓res. Je ne m鈥檌dentifierai pas au Bouddha aussi longtemps que je ne d茅livrerai pas de l鈥檈nfer toutes les cr茅atures vivantes.鈥 Sa saintet茅 茅tait un esprit immortel.
Un vieux moine demanda 脿 un adorateur : 鈥淎vez-vous jamais visit茅 ce temple ?鈥 鈥淣on鈥 r茅pondit l鈥檋omme. Le moine dit : 鈥淎llez prendre du th茅.鈥 Puis il posa la question 脿 un autre adorateur : 鈥淎vez-vous jamais 茅t茅 ici ?鈥 鈥淥ui鈥 r茅pondit l鈥檃utre. Le moine dit : 鈥淎llez prendre du th茅.鈥 Un jeune moine lui demanda : 鈥淧ourquoi avez-vous dit 脿 l鈥檜n comme 脿 l鈥檃utre d鈥檃ller prendre du th茅 ?鈥 Le moine dit : 鈥淎llez prendre du th茅.鈥
Cette histoire n鈥檃 rien 脿 voir avec le th茅. Seulement elle peut provoquer quelque illumination en nous quand nous entrons dans la Salle de la D茅pouille mortelle du pic de la Lumi貓re divine du mont Jiuhua.
鈥淟e bodhi n鈥檈st pas un arbre. Le miroir ne repose pas sur un socle.鈥 Ainsi disait un maître bouddhiste. Un jour dans le bas monde ou le lendemain matin, un mortel se convertit au bouddhisme. Quelquefois, quand on prend l鈥檋abit du moine, on ne quitte pas pour autant la soci茅t茅 humaine. Quelquefois le coeur d鈥檜n moine est plus proche du monde des hommes. Le moine fait quelque chose pour le monde des hommes tout en d茅tachant son esprit des pr茅occupations humaines.
Nous buvons du th茅 du matin au soir. Le th茅 semble 錨tre un coll貓gue de notre bureau ou un membre de notre famille.
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